La Loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, modifiée par l’ordonnance du 18 décembre 2008 limite désormais à la procédure de redressement judiciaire, des mesures comme le remplacement des dirigeants et l’incessibilité des droits sociaux.
Avant l’ordonnance susvisée, ces mesures étaient autorisées dans le cadre d’un plan de sauvegarde, la volonté du législateur étant d’encourager les débiteurs à recourir à la procédure de sauvegarde plutôt qu’à celle de redressement judiciaire par une démarche d’anticipation.
L’article L 631-19-1 alinéa 1 du Code de commerce, modifié par l’ordonnance du 18 décembre 2008 (n°2008-1345), prévoit la possibilité pour le tribunal, lorsque le redressement de l’entreprise le requiert, de subordonner l’adoption du plan de redressement par voie de continuation au remplacement du ou des dirigeants actuels.
Toutefois, une telle possibilité est soumise à des conditions de fond:
– que la personne morale dirigée n’exerce pas une activité professionnelle libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire,
– que le remplacement soit requis pour le redressement de l’entreprise.
Une telle possibilité est également soumise à des conditions de forme :
– le tribunal doit entendre ou appeler les dirigeants et les représentants du comité d’entreprise ou à défaut les délégués du personnel,
– seul le ministère public est appelé à demander le remplacement des dirigeants qui devra ensuite être décidé par le tribunal puis voté par les organes sociaux ;
aux termes de l’article R 631-34-1 du Code de Commerce la saisine du tribunal par le parquet doit se faire par voie de requête, indiquant les faits de nature à motiver le remplacement du dirigeant, cette requête devant être écrite et non formulée oralement.
– le tribunal statue ensuite, après avoir entendu ou dûment appelé les dirigeants et les représentants du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ». L’article L 631-19-1 alinéa 2 du Code de commerce, modifié par l’ordonnance du 18 décembre 2008 (n°2008-1345), prévoit également la possibilité pour le tribunal de prononcer « à cette fin et dans les mêmes conditions »:
– l’incessibilité des droits sociaux détenus par un ou plusieurs dirigeants,
– ou leur cession forcée à dire d’expert.
Par un arrêt récent du 22 mai 2013 que la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation a eu à se prononcer sur la question de savoir si, dans le cas d’une cession forcée de parts sociales sociales détenues par un dirigeant, et non dans celui précité de « remplacement » d’un dirigeant, la requête du Ministère Public au tribunal devait nécessairement être formulée par écrit ou si elle pouvait l’être oralement.
En l’espèce, une SCI ayant deux associés, également cogérants, est mise en redressement judiciaire.
Pendant la période d’observation, chaque associé prépare un plan de continuation qui prévoit que les parts de l’autre lui seront cédées.
Le tribunal choisit l’un des deux projets et sur la demande du Ministère Public formulée oralement à l’audience, ordonne la cession de droits sociaux qu’il prévoit.
L’associé évincé interjette appel du jugement ayant arrêté le plan dans ces conditions, mais la Cour d’appel confirme cette décision aux motifs qu’il ne doit pas être opéré de distinction procédurale entre ces deux mesures :
– le remplacement des dirigeants de la société,
– et la cession forcée de leurs droits sociaux,
estimant que seule la première nécessite une requête écrite du Ministère Public.
La Cour d’Appel fonde sa décision sur le fait que l’article R 631-34-1 du Code de commerce ne réglemente que le cas de remplacement du dirigeant et non celui de la cession forcée de ses droits sociaux.
Toutefois, la Chambre Commerciale casse l’arrêt de la Cour d’appel estimant, sur le fondement de l’article L 631-19-1 alinéa 2 du Code de commerce, que la cession forcée des droits sociaux d’un dirigeant d’une entreprise en redressement judiciaire, à laquelle est subordonnée l’adoption d’un plan de redressement, nécessite une requête du Ministère Public qui doit nécessairement être écrite.
La Cour de Cassation déduit de l’article L 631-19-1 alinéa 2 du Code de commerce qu’il y a lieu d’appliquer à l’incessibilité des droits sociaux détenus par un ou plusieurs dirigeants, ainsi qu’à la cession forcée de leur droits sociaux, les mêmes conditions de forme que doit revêtir la requête du Ministère Public pour le cas du remplacement d’un dirigeant, conditions expressément prévues à l’article R 631-34-1 du Code de commerce.
Pour se faire, elle se fonde sur la mention contenue dans l’alinéa 2 de l’article L 631-19-1, à savoir que c’est « dans les mêmes conditions » que celles prévues pour le remplacement d’un dirigeant que le tribunal peut prononcer l’incessibilité des droits sociaux détenus par un ou plusieurs dirigeants ou ordonner la cession de leurs droits sociaux.
Ainsi par cet arrêt, la Cour de cassation entend rappeler l’importance des textes législatifs sur les textes réglementaires et l’importance du respect des droits de la défense dans le cadre de l’adoption de mesures si importantes et graves pour le dirigeant qui se voit privé de ses droits sociaux.
Le respect des droits de la défense justifient en effet la nécessité d’une requête écrite et non uniquement orale du Ministère Public pour pouvoir ordonner la cession forcée des droits sociaux d’un dirigeant, dans le cadre d’un plan de redressement, la conséquence du non respect de cette règle de forme étant l’irrecevabilité de la demande qui ne peut donc par aucun moyen être régularisée, ce qui a justifié dans la présente espèce, une cassation sans renvoi.
Cass. Com. 22 mai 2013 n° 12-15.305